Les agriculteurs sont de moins en moins nombreux. Ils représentent désormais un peu moins de 3% de la population active. Ils sont pourtant l’objet d’une attention médiatique régulière lorsque les prix des matières premières s’envolent ou lorsque des crises sanitaires et environnementales viennent questionner leurs façons de produire. Les sciences sociales en revanche ont cessé de s’intéresser aux agriculteurs depuis les années 1980. Le propos de ce livre contribue donc à combler un vide. Pourquoi et comment devient-on agriculteur aujourd’hui ? On sait que la transmission des exploitations a toujours lieu principalement au sein de la famille. Pourquoi et comment des enfants d’agriculteurs reprennent-ils une exploitation familiale, alors que d’autres horizons sociaux pourraient s’ouvrir à eux ? Cette question mérite un réexamen aujourd’hui, en tenant compte des transformations du secteur agricole : la mondialisation des marchés, l’agrandissement des exploitations et le développement des sociétés, ou encore l’allongement de la formation scolaire des agriculteurs. Mais cette question se pose aussi au regard des transformations du marché de l’emploi salarié. Après une période où la reprise de l’exploitation semblait aller de soi, a succédé une période où il valait mieux quitter l’exploitation en perte de vitesse que s’y accrocher. Aujourd’hui, le chômage de masse donne une nouvelle valeur aux stratégies de reprise, d’autant plus que devenir agriculteur ne suppose plus aujourd’hui d’épouser une agricultrice (ou rester célibataire), mais implique de plus en plus d’avoir une compagne qui ” travaille à l’extérieur ” de l’exploitation.
Cet ouvrage s’appuie sur une enquête ethnographique menée entre 1997 et 2005, dans les exploitations viticoles de la région de Cognac. Franchir le portail des grandes propriétés de la bourgeoisie viticole d’affaire jusqu’aux petites exploitations des simples livreurs de vin, c’est aussi découvrir des familles où se nouent des relations entre grands-parents, parents et enfants, entre frères et sours et entre conjoints. Le livre est centré sur des situations où – malgré des conditions économiques et sociales souvent peu favorables – certains jeunes viticulteurs reprennent tout de même l’exploitation. Il met à jour un paradoxe. La reprise de l’exploitation suppose une intense mobilisation familiale, afin de transmettre tout à la fois le métier de viticulteur, le statut de chef d’entreprise et le patrimoine productif. Pourtant, les jeunes viticulteurs présentent la reprise comme une vocation personnelle et les parents insistent également sur la liberté qu’ils laissent à leurs enfants d’embrasser (ou non) cette vocation. Selon les situations économiques et sociales, reprendre l’exploitation peut constituer ainsi à la fois un devoir familial et/ou une chance personnelle.
Quelques comptes-rendus du livre: A. Barthez dans Travail, Genre et Sociétés; JC Thoenig dans Sociologie du travail ; Y. Chanet dans Lire les sciences sociales; J. Lazarus dans La vie des idées; M. Schotté dans Genèses (en réalité un vrai article sur les “coûts de la vocation”)
Autres publications sur Cognac et les entreprises familiales:
2014, « Female and Male Domestic Partners in Wine-Grape Farms (Cognac, France): Conjugal Asymetry and Gender Discrimination in Family Businesses », The History of the Family, vol. 19, Issue 3,p. 341-357.
2014, entrée « Famille » in P.-M. Chauvin, M. Grossetti et P.-P. Zalio (dir.), Dictionnaire sociologique de l’entrepreneuriat, Presses de Sciences Po[avec Sibylle Gollac].
2014, « Le fils préféré ? Le repreneur et ses frères et sœurs dans les familles d’indépendants contemporaines » in F. Boudjabaa (dir.) Travail, solidarités familiales et mobilité sociale dans les sociétés rurales (XVe-XXe siècle), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, p. 255-273 [avec Sibylle Gollac].
2011, « Des producteurs-indépendants face aux multinationales. Les viticulteurs de Cognac sous dépendance économique », Actes de la recherche en sciences sociales, n°190, p. 108-125.
2011 « As estratégias econômicas das empresas familiares viticolas de Cognac (França, 1997-2005) », Estudos Sociedade e Agricultura, 19(2); p. 344-373. [trad. en portugais de G. Flexor).
2008, « Se marier pour aller jusqu’au bout ensemble ? Ruptures conjugales et transmission des exploitations agricoles dans la lignée » Revue d’études en Agriculture et Environnement, n°88, vol 3, p. 47-70.
2008, « “Travailler à l’extérieur” : des implications ambivalentes pour les compagnes d’agriculteurs », Nouvelles Questions Féministes, vol. 27, n°2, p.53-66.
2008, « Le soi, le couple et la maisonnée exploitante : l’argent dans les couples mixtes agriculteur/salariée en France » in H. Belleau et C. Henchoz (dir.), L’usage de l’argent dans le couple : pratiques et perceptions des comptes amoureux, perspective internationale, Paris, L’Harmattan, p. 297-323.
2004, « Les “arrangements de famille”. Equité et transmission d’une exploitation familiale viticole », Sociétés contemporaines, n°56, « Transmissions patrimoniales », p. 69-89.
2004, « “Vaut mieux qu’elle travaille à l’extérieur !” Enjeux du travail salarié des femmes d’agriculteurs dans les exploitations familiales », Cahiers du Genre,n°37, p. 93-114.
2003, « Une profession familiale : les trois dimensions de la vocation agricole », in F. Weber (dir.), S. Gojard et A. Gramain, Charges de famille, dépendance et parenté dans la France contemporaine, Paris, la Découverte, p. 237-273.
Dans les médias:
18 mars 2021, Où naissent les vocations ? Entretien avec Rozenn Le Carboulec pour le podcast Travail (en cours), production Louie Media, 35 min.
19 novembre 2013, Interview pour le Point.fr, « Transmettre son exploitation viticole à ses enfants est une consécration »
7 octobre 2013, Interview pour le groupe de presse agricole ATC, « Un héritage sous forme de vocation », parution dans Cultivar en décembre 2013, Cultures légumières, Viti, L’arboriculture fruitière.
8 Juin 2012 : « La transmission de l’exploitation à l’aune de la sociologie », interview pour le mensuel Réussir Vignes
22 mars 2012 : « La relève en viticulture : les transmissions objet de toutes les attentions ». Interview pour le quotidien La journée vinicole, n° 23110.
novembre 2011 : « Transmettre son exploitation signifie qu’on a réussi », Interview pour le magazine mensuel La Vigne, n°236, p. 52-53.
22 juillet 2011, « Les jeunes ont des stratégies de couple », Interview pour l’hebdomadaire La France Agricoledans le dossier spécial sur le célibat des agriculteurs.
19 mars 2010, « Des femmes comme les autres », Interview pour l’hebdomadaire La Terre.
26 janvier 2010, « Enquête dans les vignes », Interview pour le quotidien Sud-Ouest Charente
Novembre 2009, « Travailler avec son père », Interview pour le magazine mensuel La Vigne, n°214.